C'est à Paris que j'ai passé mon enfance et mon adolescence, baignant dans un milieu propice à la réflexion et à l'esthétisme, puisque ma mère était artiste peintre, et mon père enseignant. Avec une mère française et un père italien aimant les voyages, il était normal que, dès mon enfance, je fusse marquée par les cultures de ces deux pays que sont la France et l'Italie. Je passais mon temps entre les livres et les tableaux, mais avec un goût très prononcé pour tout ce qui touche aux milieux naturels. La forêt, par exemple, était déjà pour moi le théâtre de tous les possibles, de toutes les rencontres, qu'elles fussent d'ordre surnaturel, poétique ou lyrique.
Mais celui qui a été pour beaucoup dans mon amour de la photo, ce fut mon oncle, reporter photographe. Un peu indécise, je me dirigeai pourtant vers les mathématiques, tout en pratiquant cet art lorsque mes cours m'en laissaient le temps. Ayant quitté Paris pour vivre à la campagne, c'est en 2004 que la photographie devient pour moi, plus qu'une passion : culte, torture, ou communion, peu importe, puisque trois ans plus tard, j'arrête définitivement d'enseigner les sciences pour me consacrer à la photographie d'art.
Plutôt que de parler des photographes, je préfère admettre que ce sont les peintres, les graveurs, qui ont le plus nourri mon imaginaire depuis toujours : parmi ceux-ci, Bosch, de Chirico, Le Maréchal, Dado, Ernst, Matta, Redon, Kubin, Doré, Tanguy, Toyen, Velly, Dürer, Ensor, Friedrich, Turner, John Martin, Bresdin, Magritte. Bien que mes influences artistiques soient nombreuses et redevables de l'art pictural pour la plus grande part, tenter d'imiter la peinture n'est pas dans ma démarche, et l'appareil photo représente à mon sens l'outil idéal pour exprimer un état d'être dans le dépouillement le plus total des moyens mis en oeuvre. Cette approche apparemment austère, et qui pourrait faire penser à une ascèse, est la porte la plus sûre, puisque la plus candide, qui mène « à mes enfers », aux mondes fantastiques qui peuplent mes rêves, à l'essence même de mon interprétation du réel.